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Procès Matata Ponyo : Entre droit et précipitation, la République à la croisée des chemins (Tribune de Espoir Botumba) 

Le procès d’Augustin Matata Ponyo, ancien Premier ministre et actuel député national, pour sa gestion présumée frauduleuse du projet agro-industriel de Bukanga-Lonzo, secoue la scène politique et judiciaire congolaise. Au-delà des enjeux de lutte contre la corruption, cette affaire soulève des questions fondamentales sur le respect des procédures constitutionnelles et des immunités parlementaires, mettant à l’épreuve la crédibilité des institutions congolaises.  

Une double casquette, deux régimes juridiques distincts

La particularité du dossier réside dans le statut de Matata Ponyo : à la fois ancien chef du gouvernement et élu en exercice à l’Assemblée nationale. Or, la Constitution et le Règlement intérieur du Parlement prévoient des mécanismes différents selon la nature des poursuites.  

Si les faits reprochés relèvent de son mandat de Premier ministre l’article 166 de la Constitution exige une mise en accusation votée par les deux tiers du Parlement réuni en Congrès.  

S’ils concernent son rôle de député, les articles 106 et 107 du Règlement intérieur imposent une autorisation préalable de l’Assemblée nationale avant toute action judiciaire.  

Or, aucune de ces procédures n’a été strictement suivie. Aucune autorisation parlementaire n’a été sollicitée, et le Congrès n’a pas été saisi. Cette omission fragilise la légitimité même des poursuites, soulevant des craintes de précipitation et d’arbitraire.  

Kamerhe rappelle l’État de droit, mais la plénière reste souveraine

Face à cette situation, le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, a rappelé l’impératif du respect des formes juridiques. « Nul ne doit être au-dessus de la loi, mais personne ne doit non plus être en dessous du droit », a-t-il déclaré, soulignant que toute procédure irrégulière risquait d’entacher la crédibilité de la justice.  

Cependant, plusieurs députés insistent sur le fait que seul l’hémicycle peut trancher sur l’opportunité des poursuites. « On ne peut pas, au nom de la moralisation, violer la Constitution », affirme un élu de l’opposition, tandis qu’un membre de la majorité ajoute : « Si on bafoue les règles pour un procès aujourd’hui, qui sera protégé demain ? »  

Un risque de justice à géométrie variable

Pour les observateurs, ce procès pourrait devenir un symbole des dérives possibles lorsque la justice semble instrumentalisée. « L’État de droit se mesure à la loyauté des procédures, pas seulement aux résultats », analyse un constitutionnaliste. « Si on passe outre les immunités parlementaires sans base légale, on ouvre la porte à des poursuites politiques arbitraires. »  

Certains craignent aussi un affaiblissement de la confiance des citoyens dans les institutions. « La lutte contre l’impunité est nécessaire, mais elle doit se faire dans le strict respect des règles », plaide un avocat proche du dossier.  

La régularisation, seule issue pour préserver la légitimité judiciaire

La solution réside peut-être dans une régularisation rapide de la procédure. L’Assemblée nationale pourrait être saisie pour examiner une demande de levée d’immunité, ou le Congrès pourrait être convoqué pour statuer sur une mise en accusation formelle.  

Sans cela, le procès Matata Ponyo risque de laisser un goût d’injustice, quelle que soit son issue. Pour la RDC, à la croisée des chemins, ce dossier est un test : celui de sa capacité à concilier lutte contre la corruption et respect des principes démocratiques.  

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